Carnet de voyage #4
URUGUAY
Semaine 4 – 26 mars au 1er avril
Au lever du soleil ce jeudi 26 mars, après une excellente nuit, j’assiste au déplacement d’un petit troupeau d’une cinquantaine de vaches, bien encadrées par des chiens et 3 gauchos… je me crois en plein western, j’en souris. Un premier troupeau d’une centaine de vaches passe, meugle, devant moi, les gauchos (accompagnés d’une petite « gauchotte » d’environ 10 ans) me font bonjour de la main (comme presque tous les autochtones croisés sur notre route). Je leur réponds avec un grand sourire, je suis aux anges… trop beau… ce n’est que du bétail mais j’aime cette ambiance. Puis c’est un second troupeau d’autant de têtes qui arrive dans un vacarme aussi assourdissant que le premier… Je ne comprends même pas comment ces bêtes peuvent entendre les ordres des gauchos. D’ailleurs elles me semblent bien plus sensibles, réactives, aux crocs des chiens. Je n’avais jamais vu autant de bovins en même temps… impressionnant. Sont pas prêts d’être véganes les uruguayens !!!!
Je comprends bien l’appel des grands espaces mais j’ai les ch’tons des bourrins, j’ai très vite mal au c… et j’aime pas mordre la poussière. Bref, je resterai prof encore un peu… Aujourd’hui, c’est encore un jour « tri de photos, mise à jour de nos journaux de bord respectifs, travaux sur les vidéos ».
Pour les photos c’est vite fait, très peu de prises ces derniers jours. Nous traversons des zones d’élevage et de monocultures peu propices à la biodiversité naturelle. Le cœur du pays, aride, ne semble être qu’une succession d’estancias séparées par des bois aux troncs d’eucalyptus bien alignés.
On rencontre parfois quelques oiseaux perchés sur les fils, des barrières et des arbres.
On découvre même nos premiers nandous, l’équivalent des autruches en Afrique et des émeus en Australie… L’Amérique du sud, l’Afrique et l’Australie ne faisaient bien qu’un seul et même continent il y a des millions d’années.
Les jeunes passent leur soirée à discuter ensemble auprès d’un feu de bois.
Vendredi 27 mars, en attendant le réveil des garçons qui se sont couchés très tard, je me dirige vers le feu de camp qui fume encore un peu. Tout déambulant, je retrouve dans le sol ma mini carte SIM perdue la veille… incroyable, surtout lorsque l’on sait que je suis méga myope, astigmate, daltonien et, depuis quelques années déjà, presbyte… Non seulement je retrouve ce mini morceau de plastique mais également le téléphone portable d’Elven qui lui avait glissé de sa poche en soirée… serions-nous veinards ?? J’en doute, mais j’apprécie ce moment de répit. Ce matin notre mission : trouver de l’essence, de l’eau et du gaz… et régler le problème de batterie auxiliaire qui se décharge très très vite. On part pour la ville de Treinta-y-très (dîtes « 33 » en espagnol !!!! pour les linguistes de mon niveau). En cette période de corona virus on est au bon endroit ! Après avoir fait le plein d’essence et d’eau, vérifié la pression des pneus, on nettoie rapidement la carrosserie couverte de poussière. On vient également de changer la batterie de la cellule qui ne tenait plus la charge… 210 € … on va continuer à bouffer des pâtes, et froides si ça continue car nous ne trouvons toujours pas de petites cartouches de gaz et la dernière a été entamée hier soir.
Comme souvent, on quadrille la ville à la recherche de cette fichue cartouche de gaz. On est trimballé d’un magasin à l’autre. Au bout d’une heure, cette fois-ci on abandonne. Changement de stratégie… le coût d’une cartouche étant de 10$, que l’on consomme une cartouche tous les 4 jours, on décide d’investir dans une bouteille locale avec son bruleur pour un cout de 66 €. Avec les quelques courses faites aujourd’hui, le budget a explosé… groink !!! plus question de manger des pâtes, même froides… on va boire de l’eau et sucer des cailloux… ça ne peut que me faire du bien !!! L’après-midi est bien entamée. On repart vers l’est, on décide de s’arrêter dès que possible. Les applications Mapsme et GoogleMaps nous dégottent un bras de rivière au bout d’un chemin de terre… en fait, un embarcadère. Très sympa au premier abord, ce lieu s’avère plus fréquenté qu’il nous le semblait au départ.
Des pêcheurs (dont un professeur de sciences de la Vie et de la Terre en lycée à qui je donne des posters sur la biodiversité en Nouvelle-Aquitaine) d’abord, qui ne gênent nullement surtout qu’ils s’éloignent rapidement en barques ; des moustiques ensuite… des centaines de moustiques… beaucoup plus gênants d’autant qu’ils restent, eux. On se fait dévorer. Demain on abandonne le camp… En attendant, après avoir cuisiné dehors du riz (ça change !!!) accompagné d’oignons et poivrons (des fibres !!), on mange dans la cellule, protégés par des moustiquaires dont celle de la porte qui nous sauve tous les jours de ces invasions intempestives. Merci Véro (maman de Gontran) pour ce travail, on pense à toi tous les jours et te remercions énormément !!!! C’est l’heure de regagner ses pénates. Je reste sur place, privilège de l’âge (et je suis le plus fort !!!) … les gars gagnent leur îlot à pied… ils sont dingos ces drolous !!
Ce samedi matin 28 mars, le ciel s’est couvert… on devrait moins griller, seulement cuir à feu doux…
Les jeunes reviennent de leur nuit sur l’ilot. Mais entre hier soir et ce matin, le niveau d’eau n’est plus le même… et l’eau passe par-dessus les bottes !!!
Nous arrivons en fin de matinée dans le village La Charqueada … cul de sac avec tout de même un ferry pour qui veut poursuivre son chemin de l’autre côté de la rive. Nous demandons l’école, site privilégié pour trouver une connexion Wifi. Deux bonnes heures furent consacrées à la mise à jour du site : mise en ligne d’une vidéo, d’un carnet de bord et d’une galerie photo, positionnement des points GPS de notre parcours, relève du courriel. Puis nous décidons de rester sur une aire de pique-nique qui jouxte le village : un abri pour manger et dormir en hamac, de l’eau potable à profusion … le luxe, même si nous dérogeons à notre principe d’auto-isolement.
Le reste de la journée est occupé à nettoyer la cellule : ahh voilà l’avantage de son inconvénient. Exigue pour y loger à 3, elle est bien assez grande quand il s’agit de la nettoyer du sol au plafond… oui, ce dernier est maculé par les traces de moustiques écrasés ! La nuit tombée c’est une véritable boucherie dans la cellule, Games of Thrones nous tournent la tête !!
Ce soir, repas de fête : 3 saucisses Knacki avec de la purée en sachet !!! Un truc de ouf !!!! Puis avant dernier épisode de Games of Thrones. A 21H tout le monde reprend ses quartiers.
La nuit fut agitée : chiens errants qui sont venus à plusieurs reprises déchiqueter nos poubelles, d’autres chiens qui aboient sans cesse, des moustiques voraces impossible à zigouiller (il y en avait toujours, j’ai pensé un moment regarder derrière le frigo …) et des coqs qui chantent toute la nuit !!! On ne peut pas dire que ces derniers étaient décalés par le changement d’horaire… ça ne nous concerne pas en Uruguay !!! Ils sont tout simplement déréglés. Bref, une très bonne nuit… et ce dimanche matin 29 mars, la secrétaire de mairie nous demande gentiment de lever le camp… Aucun touriste n’est accepté sur les terrains de campings en Uruguay jusqu’à nouvel ordre. La journée s’annonce sous les meilleurs hospices… Adieu notre campement de luxe… Nous reprenons la route pour Laguna Mérin, à la frontière brésilienne. Cette station balnéaire, avec son école rurale, est bien triste.
Nous nous arrêtons quand même pour manger dans un petit restaurant : en cette période de Covid19, un seul plat possible : salade, tomates, riz, œuf sur le plat, steak et frites pour 200 pesos soit 4€/personne. Super. Pas de cuisine à faire, ni de vaisselle, pour un plat roboratif et très bon marché. Nous repartons en quête d’un site pour nous poser quelques jours, si possible. Ce soir, après 4H de route à chercher un petit coin pour dormir, nous trouvons refuge dans le lit d’une petite rivière à une dizaine de kilomètres de Rio Branco.
Une fois les tentes plantées, Elven décide d’aller pêcher. L’observation d’un martin-pêcheur avec un poisson dans le bec juste devant nous l’inspira. Il part confiant : « bon on va voir combien de temps je vais tenir avant que ça me gave ». Très confiant. J’ai chronométré… 4 minutes 35. A peine le temps d’aller à la rivière et de revenir…
Revenu, il repart, (aussi) sec, … machette à la main … je connais bien mon fiston … il n’est vraiment d’humeur badine… je reste à l’écart…
Une pluie battante le ramène, … trempé (aussi), dans la cellule du TIPI4x4. Je ne saurai jamais si pécher à la machette est plus efficace que pêcher à la ligne… mais il aura quand même eu le temps de pécher à la main deux petits poissons et de les placer dans un trou d’eau, creusé dans le sable : les vifs pour la pêche du lendemain. Il a plu toute la soirée, comme vache(s) qui pisse(nt), dans ce pays d’élevage ça prend tout son sens… mais le niveau de la rivière n’a presque pas bougé. On regarde le dernier épisode de Games of Thrones. Fin d’une superbe saga… va falloir télécharger d’autres séries… lesquelles ?
Lundi 30 mars, j’ai passé une très bonne nuit, compensant la précédente. J’émerge à peine, les yeux encore embrumés, et pour cause on est plongé dans un brouillard épais, Elven pointe le bout de son nez… Il n’est même pas 7H ?!! Il est tombé de son matelas pneumatique ?!! Non, c’est le réveil de la bête, l’instinct du chasseur, l’appel de la pêche « au gros », la rage du compétiteur de pêche à l’espadon… Il est parti… avec sa machette et sa ligne, sans manger.
Tout d’un coup, j’entends… « papa, papa », je l’aperçois avec un poisson au bout de la ligne. Je n’en reviens pas. Il n’aura attendu qu’un quart d’heure (pouvait-il attendre beaucoup plus longtemps ?!) pour prendre son premier poisson, classiquement, avec sa ligne.
Je le rejoins et observe la technique. Il taille en pièces les petits poissons de la veille, accroche un morceau à l’hameçon, jette sa ligne et attend… 4 à 5 secondes seulement avant de voir le bouchon bouger… incroyable. Ces poissons sont plus affamés qu’Elven et Gonran réunis, et pourtant ça bouffe à cet âge !!! Je comprends mieux sa patience… reste à ferrer au bon moment… il y a de nombreux échecs mais Elven s’amuse bien. Retour au Hilux avec 6 poissons. Cette fois c’est l’appel du ventre… Gontran, un tantinet décalé dans les horaires, émerge à son tour deux heures plus tard. Devant le succès de la pêche … finalement « au petit » … nos deux compères repartent gonflés à bloc.
Pour ma part, je me glisse dans les bottes et remonte la rivière dans l’espoir de faire quelques photos. Je croise quelques oiseaux, toujours les mêmes : pics, ibis, râles, spatules, aigrettes, conures, caracaras… Je retrouve mes pêcheurs, très discrets… Ils vocifèrent à chaque fois que ça mord, qu’ils en attrapent un et plus souvent quand il leur échappe… Toujours est-il que le bilan n’est pas ridicule du tout : 15 poissons ont été péchés, mais il n’en restera que 12 au final puisque 3 ont servi d’appât. Bravo les gars !!!! Chapeau bas.
Ça tombe bien j’adoreeeee le poisson. Le thon en boite et le pané passent encore, mais sinon, même pêcher avec amour, non merci !!!! et puis il n’y en a pas assez pour tous les trois… Bon prince je me sacrifie sans hésiter… Prudents, les garçons sélectionnent le plus gros des poissons.
Vidé, grillé, mangé… les autres sont relâchés !!!! Loin d’être découragés, Gontran et Elven attendront le début de soirée pour repartir à la pêche… Ils espèrent toujours prendre du gros… un poisson de 20 cm de haut, dans une eau profonde de 10 cm… heuuu, comment leur dire… exceptés la sole, le flétan, la raie … peut être ?! mais en eau douce, je crains fort la déception !!! Après un repas protéiné, pâtes trop cuites aux mites alimentaires, accompagnées d’émincés de champignons en boite, ce sera lessive au savon de Marseille pour moi. Je dois bien vous avouer que c’est la toute première fois de ma vie que je lave mon linge les deux pieds dans la machine à laver !!! accompagné d’une centaine de vairons et surveillé par un martin-pêcheur.
Pas certain que les vêtements soient très bien lavés puisque ce ruisseau traverse des élevages de bovins qui viennent patauger, boire et déféquer, mais désormais mon linge sent bon.
La soirée se poursuit avec des pompes, tractions, abdos pour les garçons… j’attends que l’envie vienne de mon côté… elle ne se manifestera pas encore ce soir… chui pas pressé ! Une fois les exercices terminés, les garçons décident de monter sur le toit de la cellule pour parfaire le joint du hublot qui fuyait et était réparé jusqu’à présent avec du scotch. N’ayant pas de pistolet pour pousser le silicone, c’est une grosse branche de bambou qui fera office de piston… et éventera le tube. Pas grave, le joint est bien posé, nous ne devrions plus prendre l’eau par le plafond. Elven en profite pour prendre une photo du coucher de soleil vu du toit de la cellule.
Après notre salade de thon, tomates, maïs et lentilles traditionnelle, nous entamons une nouvelle série : Elementary. Il y a des cadavres mais c’est bien moins gore que Games of Thrones.
Après une petite nuit, mardi 31 mars restera comme la journée la plus paisible de toutes jusqu’à présent. Elven est reparti pêcher à l’aube. Il revient très vite, cette fois-ci, c’est le poisson qui aura eu raison de lui. Avec ses espoirs, ce sera l’appât et l’hameçon qui seront partis !!! Le temps est gris, avec des alternances d’averses et d’éclaircies, nous restons au chaud dans la cellule à lire, trier les photos et progresser dans les montages vidéo. La journée se passe très tranquillement…
Mercredi 1er avril, pas de « poisson d’avril » en Uruguay ce jour, c’était le 29 décembre… le jour des innocents ! Intelligent et plus logique. Le manque d’eau potable nous oblige à partir. Retour à Treinta-y-très pour faire les pleins d’eau, d’essence et de provisions, acheter une carte SIM pour Elven. Puis nous repartons 30 km vers le nord, dans le Parque de la Quebrada de los Cuervos. A peine entrons nous dans le parc que nous trouvons un petit coin discret en bord de rivière. De quoi se laver, planter la toile de Gontran, arrimer le hamac d’Elven et poser le Hilux.
C’est la première fois que nous trouvons un spot aussi rapidement. Et la première fois qu’on en part aussi vite également… En effet, 2H plus tard, la Police nous demande, toujours très poliment et calmement, de libérer la place : tous les campings et parcs sont fermés en Uruguay. La solution serait l’hôtel !!! Un orage éclate et nous permet d’obtenir un sursis … le policier, clément et souriant, nous donne jusqu’à demain matin pour plier les gaules… que les jeunes n’avaient pourtant pas eu le temps de sortir aujourd’hui… Merci agent Moralès. Nous profitons d’une accalmie pour faire des pâtes, une omelette et poser une seconde toile de tente… le hamac d’Elven ayant pris l’eau…
2 commentaires
GIRAULT Stéphane
Hola que tal guapos ?
Je suis content de voir que la vie bat son plein, bravo pour cette énergie qui vous pousse à vivre vos passions, continuez, je ne manquerai pas de vous suivre ….
Gros bisous à tous, bonne route, à bientôt
PS : j’habite toujours en banlieue de Perpignan … au cas où, pour le retour
Je suis fier de toi mon Sam, quel chemin déjà parcouru et tout ce qui est encore devant toi, bravo, profite bien de tous les jours
Baloo
Lucette Rocher
Bonjour Samuel,
heureuse d’avoir de vos nouvelles! (Le confinement va me permettre de rattraper mon retard!)
Je suis complètement rassurée : avec tes pêcheurs, tu ne va pas mourir de faim!
Ici, c’est l’été et côté séries, je te recommande « Le bureau des légendes »( 5 saisons) : 2 ou 3 épisodes par jour aident à supporter notre nouvelle vie! Quand tu penses que la grande foire d’Airvault du lundi de Pâques a été supprimée, tu te dis que plus rien ne va !!! Bises. Lucette